Le loup
Certains soirs, la fatigue ouvre des pans d'angoisse aux murs de la chaumine.
La disette a scellé sur toute la contrée, du pays bas jusqu'au plateau où s'ancre la masure, les fers d'un désespoir plus noir que cette nuit d'hiver dur et tenace.
Le garçon ne dort pas. Il écoute. Il hume. Il attend comme une catastrophe ; la chute du chêne qui veille au pignon ; l'assaut du démon par toutes les fentes, dans une furie de vent et de neige...
D'ordinaire, les bruits et les parfums le veillent. A travers la cloison qui borde sa paillasse, il savoure l'odeur de la litière fraîche et même le fumier, pour lui, est arôme de paix tendre et sûre. La chèvre éternue, elle mâche les feuilles. L'âne tire le foin de son râtelier, il se gratte, s'ébroue.
Et cette arche d'échos et d'accords dans les sons, les senteurs, l'ensommeille.
Maintenant, alentour, tout lui paraît hostile. Le cri d'effraie se fiche comme un dard de l'effroi sous les ongles.
La peur, la faim, le froid le prennent à la gorge.
II va crier, éclater en sanglots.
Pourtant, quand monte du ravin le hurlement sinistre, au lieu de céder à cette panique qui vient du plus profond des terreurs ancestrales, il trouve soudain comme une quiétude, serré dans ses guenilles, le menton aux genoux sous sa couverture, par la seule vertu de la maison natale qui toujours l'a protégé du loup.
Michel-François Lavaur (Argos 5)