Certains m' écrivent que j'ai « découvert » Quéinnec (Keineg) -et quelques autres- (d'autres passent le fait sous silence). En vérité, j'étais là. Sur le front de la poésie active, j'étais cet « humus où lèvent les futaies nouvelles » (devise de TRACES). Et j'y demeure. C'est mon seul mérite. On sait, à TRACES, l'estime que je porte au « Poème du pays qui a faim » dont je publiai les trois premières éditions (justement pour avoir lu les premiers vers du poète, souligné ses faiblesses, pressenti son envolée et savouré cet essor dans le POÈME, texte qui garde ma préférence).
Ses deux derniers livres, Hommes Liges et Chroniques (Oswald) portent le même déploiement de mots quotidiens haussés, sans les dénaturer, au niveau de l'incantation intime, comme à celui du chant di haute voix et c'est peut-être le fond de la qualité des poèmes de Paol : prise directe sur le vécu, de la contemplation à la lutte, conjugué avec le chant du langage mûri sans froideur, simple sans mièvrerie, capable de vous prendre « à la chandelle » comme parmi les rumeurs l'une assemblée de plein air.
Voici James Sacré . Lui, ne souriez pas, c'est ma femme qui l'a « découvert ». Parmi les feuillets d'une dactylo vers la mi-61, alors que TRACES n'avait encore publié qu' un mini petit recueil ronéoté (repris dans Masque et Miroir) et que je posais les jalons de mon entreprise. Promesse, de Valin, l'édita (et il était bien dans son élément au sein de cette revue regrettée depuis que son animateur l'a abandonnée en d'autres mains -je n'en dirai rien ne la recevant plus-). James aussi a fait son chemin (je souhaiterais que son ami Hugues Pissarro que je « trouvai » à la caserne et dont je publiai les premiers poèmes et les gravures que je tiens pour remarquables, soit, lui aussi, révélé plus amplement). Cœur Elégie Rouge (Seuil) sur 170 pages, gratte, froisse, déchire par lambeaux le décor d'une Amérique oppressante, en dépit du corps et de la voix de Mary l'épouse, pour retrouver un vert de bocage, gomme un océan pour une senteur de ferme vendéenne. En somme, un autre poète du « terroir » comme disent, par mépris, les cuistres. Mais à la fois naïf et madré comme le paysan que Sacré aimerait être, et habile tailleur casseur de phrases par jonchées de luzerne ou par éclats e pierre autour du carrier.
J'ai aussi, dans ma m émoire, à côté de ces poètes nouveaux et déjà sûrs, des aînés ; dans ma mémoire et sur les pages des premiers cahiers de TRACES. Dans ma mémoire, Louis Guillaume, mort le matin de Noël 71. Son Agenda (Subervie) est une suite de 187 méditations sur le thème de l'aube. Le grand savoir-faire de l'auteur brode en virtuose des phrases concises découpées en 18 vers libres. Des gammes d'un doigté sans reproche et, souvent l'envolée d'un vrai poème.
On m'a parfois reproch é de ne pas publier de poèmes « classiques ». Les textes de facture traditionnelle, en fait, ne sont pas absents de mes sommaires. Cependant, je préfère l'écriture libérée (j'en parle d'autant plus à l'aise que mon Masque et Miroir, n'est-ce pas, avec ses quarante sonnets, tout licencieux (sur le plan de la métrique, bien sûr) qu'ils fussent...) et si vous aimez le peu commun, voire l'insolite, Poètes Singuliers du Surréalisme et d'autres lieux d'Aelberts et Auquier (10/18) vous comblera. Ne fut-ce que la découverte que vous y ferez de Danièle Sarréna. Les vers rimés vont des « poésies » à la plume d'oie pour album de marquise (Espace Magique de P. Damarix - Seghers) aux cagades là... à vous de citer). N'est pas qui veut virtuose en cette matière où H. Bazin (Jour - Seuil) cisèle. Pourtant, de nouveaux auteurs s'y affirment et Serge Michenaud dans Scorpion Orphée (Chambelland) sait un vers rimé (dirai-je Scève-Cocteau ?) d'un poids tel qui depuis Valéry, je le dis tout net, j'en connais peu, hormis les vers blancs d'E. Humeau (Tambourinaire - Chambelland), denses et drus.