Cuisine au cœur de nos demeures. Ustensiles offerts, mobilier ouvragé, ceux qui joignent au mieux l'utile à l'agréable, qui magnifient le nécessaire. Passagers du possible. Messagers du solide. Présents de mariage ou menus cadeaux, qui peu à peu ajoutent à leur présence, et le génie des choses qu'on nettoie, qu'on manie, aux forces des murs nus et de l'indispensable. Les revoir émerveille, les citer ensoleille : cuivre de la bassine et de la lampe à huile, cruches, potiches et napperon assorti aux rideaux que le crochet fit dessins et dentelles, huche et couverts, horloge et banc, autour du vaisselier, album de contes de l'enfance où le delft, le limoges racontent les joies ménagères, les idylles bergères, les grâces bocagères; une arche d'alliance, une terre promise. Magie du culinaire, pour l'œil et la narine, plaisir complet de la pupille à la papille. Sommet de l'art du périssable et cependant vital : deux jours de soins, marinade ou pâté, pour qu'ils l'engloutissent, ce chef d’œuvre unique, en quelques coups de mandibules ! Le travail, les trouvailles, pour le retour, les retrouvailles, le bonheur des convives, et qu'on vive, on festoie, naissances ou fiançailles, jusqu'aux funérailles, après les devoirs, les honneurs dus à la défunte, au mort, pour que la vie ne s'effraie pas d'apprendre qu'elle n'est, toute balance faite, qu'un sursis, une impasse.
(Extrait de Vue cavalière et coupe, proses,1998 )