Petits éléments pour un bestiaire |
Michel-François Lavaur rédige ce bestiaire depuis son enfance sans aucun doute. On sent les souvenirs des chemins d'écoliers, l'écoute des bruits de la nature, la peur de ce qu'on ne reconnait pas. A ce jour, il a écrit plus de cent soixante portraits d’animaux en vers ou en prose, réunis à travers plusieurs éditions d’Argos. |
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Je l'ai cherchée pendant des heures, du lever à la méridienne au long des matinées de détente estivale, dans la paix des vacances, pour la mener au jour, en ce bois tendre et ferme, cet aubier que mûrit une certaine lune, à la lève d'août, cette pleine et prometteuse matière de sculpteur, bonne et franche comme une aube faste, pour peu qu'on y travaille avec le savoir-faire que méritent ses fibres. J'ai grimpé, rampé même, dans des gorges secrètes, là où les racines sont des tentacules, les branches des grapins, où le moindre buisson se contorsïonne pour trouver la lumière. J'ai suivi les sentiers de braconne. Je me suis égaré dans les raccourcis, tant les ronces et toute une jungle de lianes ont envahi nos chemins d'enfance, car mon Occitanie change jusqu'au cœur de ses bois.
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Et puis un matin, cette joie de trouvaille, après des années de plaies et de bosses, à sa recherche. |
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Dessin de René Leclerc pour la couverture de Traces 36/37 |
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L'amble d'un percheron |
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Dessin de René Leclerc |
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Certains soirs, la fatigue ouvre des pans d'angoisse aux murs de la chaumine. La disette a scellé sur toute la contrée, du pays bas jusqu'au plateau où s'ancre la masure, les fers d'un désespoir plus noir que cette nuit d'hiver dur et tenace. Le garçon ne dort pas. Il écoute. Il hume. Il attend comme une catastrophe ; la chute du chêne qui veille au pignon ; l'assaut du démon par toutes les fentes, dans une furie de vent et de neige... D'ordinaire, les bruits et les parfums le veillent. A travers la cloison qui borde sa paillasse, il savoure l'odeur de la litière fraîche et même le fumier, pour lui, est arôme de paix tendre et sûre. La chèvre éternue, elle mâche les feuilles. L'âne tire le foin de son râtelier, il se gratte, s'ébroue. Pourtant, quand monte du ravin le hurlement sinistre, au lieu de céder à cette panique qui vient du plus profond des terreurs ancestrales, il trouve soudain comme une quiétude, serré dans ses guenilles, le menton aux genoux sous sa couverture, par la seule vertu de la maison natale qui toujours l'a protégé du loup. |
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