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SOMMAIRE
numéro 6

 

manuscrit de : Louis Guillaume
présenté par
Jean Daniel Maublanc

linogravure de M. Prado
sur un poème d'
Angèle Vannier
poèmes illustrés de :
Hugues Pissarro et
M-F. Lavaur

Norbert Lelubre : Ballade du Lac
portrait du poète : zinc de lavaur

poèmes: Raoul Bécousse, Luc Bérimont,
Serge Brindeau, Paul Chaulot, Pierre Gabriel, Colette Girard, Louis Guillaume,
Michel Héroult, Jean Laroche, Alain Lebeau, Jacques Lepage, Henri Le Viennois, Paul Mari, André Marissel, Robert Momeux,
Claude Serreau

« primes traces » : Eliane Airic et J.-Daniel Parrenin

proses: Laroche, Lavaur, Lebeau, Lelubre

Louis Guillaume ou Les songes Vécus »

En 1928, paraissait la plaquette d'un jeune instituteur de Paris qui chantait sa Bretagne maternelle en vers réguliers, tantôt à la façon nostalgique d'un Anatole Le Braz, tantôt avec la voix rauque d'un Tristan Corbière. Je fus le premier à en parler et à deviner ce qui allait faire l'originalité de cet îlien solitaire, de ce Celte déraciné. Une fraternelle affection nous unit depuis. C'est moi qui l'ai mis en relation avec cet autre authentique poète breton, cet autre « maître d' école » : René Guy CADOU.

Dès son second recueil, Louis Guillaume commençait à devenir ce qu'il est aujourd'hui, un poète généreux et secret, d'une extrême sensibilité et d'une rare pudeur. Comme ses amis qu'on trouve groupés à Rochefort ou à Jarnac, il a toujours mis é sur l'Homme. Le grand chant d'un espoir que la guerre allait étouffer: Occident (1936) en est le témoignage.

Puis Louis Guillaume, sans rien renier de ses idées humanitaires, se replie sur lui-même, s'isole. C'est par l'intérieur qu'il va rejoindre le courant d'amour qui le lie aux autres. « On est seul avec tout ce qu'on aime » , dit-il avec Novalis. Et il place cette pensée en exergue à son premier roman publié : Le Rivage désert (1946).

Il faut le suivre dans son labyrinthe grâce à cet extraordinaire roman onirique, toute une vie -et même une survie - racontées au moyen de rêves : Hans ou Ies Songes vécus (Subervie 1958). Il faut naviguer en sa compagnie dans Noir comme la mer -Prix Max Jacob 51- et dans La Nuit parle - Prix A. Artaud 61-. II faut descendre avec lui dans la cité ensevelie pour trouver ta voyageuse souterraine qui ne l'a jamais quitté .

Jean-Daniel Maublanc

Louis GUILLAUME

Vitrail

Malgré l'absence du vent,
La mer secoue ses crinières.
C'est le ballet de l' écume
Où pas un bateau ne danse.

Le soleil sonde l'abîme
Mais ses coulées d' émeraude
Restent veuves du regard
Qui féconderait leur vide.

Aucune vie attentive.
Dans la nasse des nuages,
Toute aile fauchant les vagues
N'est plus qu'un signe d'exil.

Car il manque une chaleur
Au vitrail de ce printemps,
Même si la glace meurt,
Sa transparence est de gel :

Tu n'es pas là pour semer
Comme une poignée de sel
Sur la neige des ressacs
Les braises de nos silences.

 



 

Le temps de Mélusine

Le temps est froid
réchauffez-le avec vos sexes inversés

En ce temps-là
Je fréquentais l’hiver avec une âme blanche
et je n’interrompais jamais le vie des neiges
d’un regard

je rencontrais des anges dans les bars
ils me versaient le sang des nuits à coupe pleine
je le buvais
je m'enivrais
et par là je venais au jour

L'accent des doubles jeux qui brisent les amours
me prêtait bien souvent des jambes souterraines
dont j'usais pour fouiller les plaies des siècles noirs
mon pouls réglait d'instinct le rythme des fontaines
et mon poignet liait son sort au lierre
chaque soir
le sarcasme des pluies confiait à ma peau
le rôle d'un miroir aveugle et vrai et faux

Et cette lampe toujours veuve ou toujours vierge
on ne savait
brûlait brûlait le temps sous mes paupières
En ce temps là
dans la légende d'un cadran
l'automne aux yeux cern és qui tricote le temps
au coin du feu au coin des rêves intronisait mon corps

Mais j'ai perdu le nom de mes eaux familières
et je n'entrevois plus le songe en creux des pierres

Pourquoi as-tu laissé les yeux de ton amant
creuser ta nuit
jusqu' à la nuit des temps
et ton cri tourne en rond
et ton crime a mille ans

Le temps est froid
la poésie s'écaille entre mes doigts

Angèle Vannier


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