LAVAUR avant-lire
Le premier recueil que j'ai(e) proposé à un éditeur (Millas-Martin), il y a quelque trente ans, était Haïkaï. (Le prix étant supérieurà mon salaire mensuel, j'ai abandonné !)
Les très courts textes ne sont pas réellement dans les habitudes de notre poésie occidentale, pourtant
le sonnet que je pratiquais aussi, alors, est bâti sur des séquences de quatre ou trois vers qui font parfois un tout; même s'ils ne sont qu'un sous-ensemble d'un texte unique. Sans doute mon goût pour les estampes japonaises et les philosophies orientales m'a-t-il conduit au haïku. Tankas, proverbes, sont des exemples
de l'art de vivre de toute une civilisation résumé en une image, une expérience, un rythme, une mélodie...
La poésie par flash des dictons populaires se retrouve dans tous les pays. Même mon patois natal en est
une illustration: "Quand l'aucha davala / porta la freg jos l'ala" (Quand l'oie descend, elle porte le froid sous son aile.)
Titrer "haïkus" ce numéro° qui contient si peu de textes relevant de leur métrique (5+7+5) n'est qu'une manière de dire qu'il s'agit de textes très brefs. Six vers de certains auteurs (Dagadès) feraient un alexandrin chez d'autres (Lavaur?). Une dizaine relève souvent de cette volonté de réduire la rhétorique dont notre art habille une seule trouvaille visuelle ou sonore.
Puissiez-vous trouver dans ces inédits, et extraits de•25 ans de parution de TRACES, des tremplins pour notre imaginaire.
C'est le but avoué de cette livraison.

Victor Etcheverry

Le soleil entre
dans la maison des mots
la maison du poète
par la fenêtre ouverte
d'une plaie

CLAUDE SERREAU

La musique est comme une brume
le temps à couper au couteau
mais la mémoire se rallume
de soleils encore entendus
d'une voix vibrante dans l'air
où l'arbre du jour remue

un autre espace reconstruit

Angèle Vannier, Exorcisme

Fais avec tes prières
une échelle de soie
pour délivrer la femme
toute entière
qui pleure là